A l’occasion de l’initiative de mercredi dernier, Karfa Diallo et les militants de la Fondation du mémorial de la Traite des Noirs ont interpellé tous les candidats aux municipales sur la question des rues portant des noms de négriers. Voici la réponse que j’apporte.
Cher Karfa Diallo, chers amis,
Je vous remercie d’abord de l’interpellation que vous avez adressée à tous les candidats. L’initiative du 12 mars dernier a donné aux questions que vous agitez un écho légitime. Vous le savez, j’ai commencé cette campagne électorale sur le thème de la mémoire, en exigeant du maire de Bordeaux qu’il renonce au « naming » qui pèse sur le Grand stade du Lac, pour le baptiser du nom de Nelson Mandela. Notre ville rendrait ainsi hommage à un grand homme et à un combat majeur du 20ème siècle. Et Bordeaux produirait enfin un geste fort, lui permettant de tourner une page dans son rapport à l’histoire, à la traite, au colonialisme, au racisme et aux discriminations.
Je suis d’ailleurs très attaché à une démarche positive sur ces questions de mémoire. Ainsi, lorsque vous me demandez s’il faut débaptiser des rues, j’ai tendance à répondre qu’il faut d’abord en baptiser de nouvelles. Tous les résistants de cette ville, tous ceux qui ont voulu la rendre plus belle de ses diversités, ont-ils reçu l’hommage qu’ils méritaient ? Je ne crois pas. C’est la raison pour laquelle nous proposons que la promenade des quais rive gauche porte le nom de Toussaint Louverture. Le mémorial de la Traite pour lequel vous militez pourrait y être érigé.
Il n’en reste pas moins que la liste que vous dressez des rues et places qui portent le nom de négriers est longue ; beaucoup trop longue. Il est triste de noter que Bordeaux se distingue dans cette catégorie. C’est un fait que nous devons corriger. Dans certaines de ces rues, pourquoi ne pas apposer des plaques pédagogiques qui rappellent le rôle des grandes familles bordelaises dans la traite esclavagiste et le crime contre l’humanité que ce commerce a constitué. Cette solution aurait l’avantage de ne pas « effacer » l’histoire.
Mais tous ces riches marchands méritaient-ils de donner leur nom à une rue ou une place à Bordeaux ? Je ne le crois pas. Pourquoi alors ne pas réunir demain une commission exceptionnelle, composée d’élus, d’historiens et de responsables associatifs afin de statuer sur le sort de ces noms de rues et d’honorer des résistants ? J’ajoute que cette commission pourrait également se saisir de l’appellation de l’avenue Thiers qui a depuis trop longtemps le déshonneur de porter le nom de l’assassin de la Commune de Paris.
Vous le voyez, les questions que vous posez ouvrent pour notre sensibilité politique un travail exigeant, lourd mais enthousiasmant. C’est un travail qui, comme vous l’écrivez très bien, ne se donne pas pour ambition de jeter l’opprobre. Ce travail, c’est celui d’une ville qui doit enfin regarder son histoire en face et montrer à ses citoyens comme à ses visiteurs qu’elle a tiré les leçons du passé. Je suis persuadé que Nelson Mandela et Toussaint Louverture sont les deux grands noms qui peuvent inaugurer cette démarche. Les suivants seront les noms des résistants du quotidien, ceux qui se battent pour une société plus humaine et plus juste.
Il nous reste de nobles combats à mener encore ensemble.
Vincent Maurin
De tout cœur et de tout esprit militant avec toi !
Et n’oublions pas, un jour faudra s’occuper de M. Thiers et de son avenue aussi…noble combat si il en est pour la classe ouvrière et pour la mémoire de la Commune !