Grand Stade de Bordeaux: l’enjeu populaire

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Le Parc Lescure a vécu un grand moment d’émotion le 9 mai, lors du dernier match des Girondins sur la pelouse du stade Chaban Delmas. L’hommage des supporters et des joueurs de différentes générations était à la mesure de l’histoire d’un stade, d’un club, de son rayonnement dans la ville, de l’identification d’une population à son équipe. « Populaire » : c’est le qualificatif qui résume bien ce moment de communion.
C’est la magie du sport diront les prétentieux. C’est le triste sort réservé à un peuple qui n’a plus que le ballon rond comme repère collectif diront les révolutionnaires de salon. Mais n’y a-t-il pas là, plutôt l’expression, à la fois simple et complexe, d’un besoin de partage ? Comme l’écrit J.Michel Mestres dans la revue Urbanisme *: « Car, malgré leurs dérives, les stades demeurent des lieux d’attraction, de partage social et de vivre-ensemble. Quelque chose résiste, qui rappelle qu’il est sans doute temps de penser leur nouvelle urbanité. »
C’est à l’aune de cette nouvelle urbanité, qu’il me semble important d’appréhender l’ouverture du Grand Stade de Bordeaux.
Sans revenir sur les débats de fond tranchés par la vie (Pour ou Contre un grand stade ? 100% public ou 100% privé.. ?), les questionnements portés par les élus communistes à Bordeaux comme à la CUB, restent d’actualité.
Notamment ceux liés au financement. Rappelons que le groupe PCF fut le premier à dénoncer le recours au montage en Partenariat-Public-Privé. Les premiers à contester la mainmise des géants du BTP sur les équipements à vocation publique. PPP mis en cause, entre autres, par un rapport sénatorial : « Le PPP, en étalant la charge de la collectivité (loyer) sur une période plus longue, présente un risque réel de surdimensionnement du projet […]. Le PPP est donc à manier avec une précaution toute particulière, tant la différence peut se révéler grande entre les flux financiers envisagés au moment de l’adoption du projet et la réalité, notamment en cas de mauvaise fortune sportive *». Ainsi, le coût du Stade prévu pour 183 millions d’euros (dont 75 versés par l’Etat, Ville, Région et Métropole), pourrait atteindre d’ici 30 ans, plus de 300 millions d’euros ! Nous posons donc la question de la renégociation, voire de l’annulation du contrat de partenariat avec SBA (Stade Bordeaux Atlantique, filiale de Vinci-Fayat) !
Nous disions aussi notre refus de nous résigner à contempler le règne définitif de la marchandisation du sport, du foot-business. Nous gardions l’espoir que l’intérêt général impliquerait la maîtrise publique de l’infrastructure, dans ses choix de gestion sportifs, culturels et économiques. Quelle place au rugby, au foot féminin, au sport amateur, aux initiatives populaires ?
D’ores et déjà, le gestionnaire met l’accent sur la location du stade aux entreprises, et on observe une tendance à la gentrification des tribunes: sur les 42000 places, 4000 sont privatisées en loges, les abonnements subissent une augmentation de 30 à 100 euros selon la catégorie. Même si la réponse est que Bordeaux reste dans la moyenne nationale en terme de prix des places, restons vigilants ! D’autant que, pour l’instant, les recherches de naming (vente du nom du stade à une société pour 3 millions d’euros annuels) sont infructueuses. Aléa financier qui renforce notre proposition de baptiser ce grand Stade du nom de Nelson Mandela ! Ce qui positionnerait notre stade non pas comme un outil de « concurrence entre métropoles européennes *» (dixit Alain Juppé), mais bien comme l’affirmation de valeurs humanistes, pacifistes, solidaires, telles que le sport les véhiculent de par le monde.
* Urbanisme n°393 été 2014