Cela fera un an mardi, qu’Alain Juppé aura rallié le gouvernement Fillon.
Appelé au chevet d’une UMP en difficulté pour maintenir la cote de popularité de Nicolas Sarkozy, il a renié ses promesses aux Bordelais et décidé de cumuler deux fonctions importantes, Maire de Bordeaux et Ministre d’Etat.
Conséquence: il est bien sûr moins présent à Bordeaux et à la CUB, mais surtout, il est devenu plus sarkozyste que jamais !
Calcul politique de celui que d’aucuns jugent le seul recours possible si Sarko flanchait ?
Intime conviction que la crise ne peut être surmontée que si les pauvres trinquent (c’est vrai, ils sont plus nombreux !) ?
Se sent-il investi d’une mission idéologique trop importante pour être laissée aux représentants du MEDEF (surtout ne pas raviver la lutte de classes) ?
Devient-il le bras armé des clubs idéologiques de la droite (thinks tank) de la Fondation pour l’innovation politique, l’institut Montaigne ou la Fondation de l’entreprise ?
A l’écouter jouer le porte-parole de Sarkozy dans les media, notamment sur la crise et la dette, on peut penser que c’est bien l’ensemble qui anime le Juppé d’aujourd’hui.
Son credo ? A droite toute !
Au conseil des ministres, comme à Bordeaux !
Je répondais hier matin à un journaliste de France bleue gironde que le programme de la droite s’appliquait avec beaucoup de zèle à Bordeaux depuis un an:
– démantèlement du service public municipal en confiant au Privé les nouvelles crèches de la ville.
– floraison des programmes de logements défiscalisés alors que la ville ne respecte pas la loi SRU et entretien du mythe de « tous propriétaires » alors que les indicateurs de pauvreté sont au plus bas.
– recours systématiques aux Partenariats Publics Privés pour les grands projets (Cité municipale, Gd Stade…)
– aucune visée économique industrielle pour la ville.
– des recettes pour la ville issues de l’augmentation des tarifs aux usagers et de la vente du patrimoine municipal.
– appel croissant au mécénat pour la culture.
– une politique de vie de quartier clientéliste et démagogique.
La présence de Sarkozy mardi à Bordeaux pour un discours sur la lutte contre la fraude sociale est significative du virage qu’opère le Juppé chiraquien.
Il montre ainsi sa disponibilité à investir les sentiers nauséeux de la droite la plus populiste, la moins effarouchée à jouer de la détresse des familles les plus en difficulté ou à se disputer l’électorat d’extrême droite, celle qui n’a pas d’état d’âme dès lors qu’il faut sauver le soldat Sarko !
Quelle honte !
Pour Bordeaux et l’image de la ville ainsi marquée du sceau « de la chasse aux pauvres » (car c’est de ça qu’il s’agit, voir plus loin).
Quelle indécence !
Alors que la ville de Bordeaux affiche un taux record de pauvreté (25% des bordelais sous le seuil de pauvreté), où sont les annonces gouvernementales de justice sociale ?
Quelle hypocrisie enfin !
De quoi va-t-on parler mardi ?
De la suppression du contrôle fiscal pour les exilés des paradis fiscaux prêts à se repentir ? Des sociétés du CAC 40 qui ont probablement dissimulé des centaines de millions d’Euros dans les paradis fiscaux ? Des 500 niches fiscales permettant d’échapper légalement à l’impôt, ce qui représentent 73 milliards d’euros, selon le rapport Carrez (UMP) de juin 2008. De la réforme de l’ISF qui conduit à la suppression de l’actuelle première tranche d’imposition (entre 800 000 euros et 1,3 million de patrimoine) dans laquelle figurent quelque 300 000 contribuables (pour 400 millions d’euros de recettes en moins pour l’Etat).
Non, Sarkozy ne va pas s’attaquer aux riches, ça se saurait…
Il va pointer la fraude sociale, et ses 20 milliards dans la nature !
Mais de quelle fraude s’agit-il exactement ?
Celle des prélèvements ? Celle des patrons d’entreprises qui ne déclarent pas leurs salariés et usent du travail au noir ? Pour 15 milliards, soit 75% du montant global de la fraude !?
Voir reportage Fr2.
Non, les propos de Vauquier, Gaudin, Bertrand, ces derniers temps, laissent plutôt craindre que c’est la fraude aux prestations qu’ils veulent principalement dénoncer ! Entre 2 et 3 milliards d’indemnités d’arrêts maladie, d’allocations familiales, de RSA etc.. qui représentent 14% de l’ensemble.
Le rapport parlementaire pointe pourtant que l’essentiel de la fraude est bien liée à la fiscalité.
Mais mardi, Sarkozy et Juppé vont sans doute acter que l’essentiel de la lutte sera consacrée à la fraude sociale, c’est-à-dire à une forme de chasse aux pauvres.
On stigmatise les « assistés ». On oppose les sans-papiers aux chômeurs français, les chômeurs aux travailleurs pauvres. Les travailleurs pauvres aux fonctionnaires… On divise, on élude, on détourne les réponses aux problèmes. On fait de l’audimat sur les faits divers… On sauve les riches tout en tentant de sauver le système qui les entretient… ce capitalisme qui met les Etats en faillite et les peuples en pauvreté !
C’est lui le fraudeur… c’est lui qu’il faut chasser !