Le Conseil municipal avait aujourd’hui à se prononcer sur la cession de la part de Dalkia France dans le capital de REGAZ Bordeaux. Voici ma déclaration:
« Avec cette délibération, monsieur le Maire, vous demandez au Conseil municipal de Bordeaux deux choses :
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renoncer au droit de préemption de la ville sur les actions cédées par Dalkia.
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Mandater les 7 élus siégeant au Conseil d’administration de Regaz Bordeaux pour céder les parts de Dalkia à un fonds d’investissement contrôlé par OFI-InfraVia.
J’alerte ici solennellement notre conseil sur la gravité de la décision à prendre aujourd’hui.
Il s’agit d’une nouvelle étape du dépeçage du service public bordelais de la distribution et commercialisation du Gaz.
Au commencement, il y eut 1991, et la transformation de la Régie municipale du Gaz en Société d’économie mixte. Puis les directives européennes d’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence. Puis la séparation juridique entre distribution et commercialisation du gaz fragilisant particulièrement les ELD, entreprises locales de distribution. Et donc la naissance de Regaz Bordeaux. Puis, conséquemment, l’ouverture du capital de Regaz Bordeaux aux grosses sociétés ENI et DALKIA, puis GDF-SUEZ via sa filiale COGAC.
Toutes ces épreuves furent ponctuées, non seulement de l’opposition des élus communistes, malheureusement trop souvent seuls, mais aussi et surtout de nombreuses manifestations des salariés et usagers du Gaz dénonçant les augmentations tarifaires et l’atteinte au service public.
Aujourd’hui, un nouveau cap risque d’être franchi vers la transformation de notre outil industriel et commercial aux missions de service public en un simple outil capitalistique aux objectifs aveugles de rendement à deux chiffres, sur le dos des salariés et des usagers !
En effet, à qui allons-nous ouvrir la boutique ?
OFI Asset Management gère 47,8 milliards d’euros d’actifs au 31/12/10 et emploie 295 collaborateurs, dont 140 dédiés aux métiers de gestion. Le Groupe OFI vise à fournir une gamme complète de produits et de services aux investisseurs institutionnels européens. »
Cette entreprise travaille auprès de nos collectivités. Elle a crée une filiale qui s’occupe des infrastructures. Son patron s’appelle Vincent Levita. En 1991, chez CVA, cabinet de conseil en stratégie, il a travaillé, entre autre, pour Arcelor Mittal. En 2004, il rejoint AXA. Il fonde ensuite OFI InfraVia en 2008. Voici ce qu’il répondait au journal Le Point en 2011 :
Pourquoi recommandez-vous d’investir dans les infrastructures ? C’est le bon moment si on n’a pas besoin de son argent à court terme. Le placement est moins volatil que les actions, plus rentable que les obligations et plus sûr que certains hedge funds. Etant composé d’actifs réels, il constitue un bon outil de protection du capital contre l’inflation. Il procure également un revenu important et régulier. Enfin, il est moins cher que l’immobilier, auquel il s’apparente. Quels types d’infrastructures retenez-vous ? Au moins quatre : des infrastructures de transport (autoroutes, aéroports…), sociales (hôpitaux, écoles, stades), dans le domaine de l’énergie, et notamment des énergies renouvelables, et les télécoms. Quel rendement espérer ? Une performance entre 10 et 12 % par an.
La réponse à la dernière question montre un rendement à 2 chiffres : c’est du vol ! Et, appliqué à une société comme Regaz, c’est un risque pour la sécurité (entretien, rénovation des réseaux, statuts, rémunérations, qualifications des personnels…) mais aussi la mise en danger de l’entreprise elle-même, qui ne serait plus qu’au service du rendement de son action. On a vu le résultat à Arcelor Mittal.
S’il s’agit bien d’un fonds de placement à risques, à durée limitée à 10 ans, je ne vois pas ce que la Ville doit faire dans cette aventure.
Aventure, car il semblerait que OFI-InfraVia couplerait son entrée dans Regaz avec la construction de 54 km d’autoroutes en Allemagne et sa participation au Partenariat Public Privé de l’île SEGUIN à Paris, véritable bourbier technique et financier !
En conclusion, pour OFI, c’est un simple placement d’argent avec une demande de retour sur investissements. C’est aussi le signe que les bourses mondiales n’ont vraiment plus le vent en poupe. On se retourne vers le solide, le réel, le palpable. Une autoroute ou un tuyau de gaz sont beaucoup plus réels q’un hedge found fabriqué avec on ne sait quoi. Les gens qui font ça n’ont aucun sens du service public. Ils sont simplement à la recherche d’autres produits pour leur client. S’ils s’appuient sur les mutuelles (ici MATMUT MACIF) c’est parce que, avec le retrait progressif des banques, c’est le dernier endroit où il y a de l’argent avec lequel on peut prendre des risques.
Non monsieur le Maire, l’argent des bordelaises et bordelais, comme celui des 220 000 abonnés du gaz de Bx, n’a pas à se fourvoyer dans ce type de risque.
Nous n’avons aujourd’hui qu’une solution pour éviter l’aventure : comme je l’ai annoncé lors du dernier Conseil municipal, la préemption des actions de Dalkia par la ville de Bordeaux. C’est sans risque pour le contribuable car la société se porte bien, c’est un atout pour la ville qui renforce ainsi sa maîtrise sur sa dernière industrie municipale. »